Il faut créer le marché du passif pavillonnaire en France

Source:
Fordaq JT
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La première fournée de labels E+C-, début 2017, avait de quoi inquiéter la filière bois : de la maçonnerie avec ITI comme au bon vieux temps, et finalement assez peu de bois au regard de l'enjeu, à savoir la prise en compte du carbone. Angers Loire Habitat a concouru in extremis, le bâtiment Themis est exceptionnel. Quant à la petite maison de 82m2 d'Ecolocost, sortie E3C1, on avait de la peine à la prendre en considération. Mais ça change avec l'attribution à cette même maison du premier label Effinergie BEPOS version (carbonée) 2017.

A Ermont, dans le 95, on trouve des publicités pour des maisons Phénix à 74 000 euros. Ne nous leurrons pas, dans le pavillonnaire, le moins cher ne sera jamais en ossature bois. Le problème du positionnement de la MOB est aussi d'ordre psychologique. Par exemple, les Allemands du Fertighaus, la maison préfabriquée en bois haut de gamme, on compris par l'expérience qui remonte souvent au début des années soixante que la préfabrication et l'industrialisation ne permettent jamais vraiment de vendre moins cher, mais encore et toujours de lever le niveau de prestation. Les constructeurs bois français, ceux qui font le marché en France, le noyau des participants aux nombreux voyages d'études Afcobois, l'ont constaté, entendu, sans doute ont-ils même partagé ce point de vue à la lumière de leur propre expérience. Mais le client français ? Le club Afcobois se sentait à l'abri de la crise, ancré sur le marché des secundo-accédants. Tout de même, ils ont eu la bonne intuition de jeter une sonde en travaillant de concert au développement du concept de maison Premium dont le bilan reste à faire. Sans doute, cette approche a sauvé plus d'une entreprise du dépôt de bilan. Si on prend le cas de Socopa, spécialiste du mur manteau en bois, Premium lui a servi sur un plateau l'opportunité de se diversifier au moment où la commande publique baissait. Il ne s'agit donc pas ici de jeter la pierre à des entrepreneurs qui ont tenté de survivre en traversant la plus grave crise rencontrée par cette filière depuis ses débuts. Et sans doute, le travail commun du concept Premium est un formidable galop d'essai pour aborder plus vite et vigoureusement le prochain virage du marché. Qui ne semble pas être, soit dit en passant, le Premium à étages. 

Pour cela, il va falloir retrouver la foi. Car il fallait être bien cynique pour imaginer la tournure que prendrait en France les conséquences du Grenelle de l'environnement, il y a dix ans. La France est à la traîne de ses engagements dans le cadre du Plan Climat européen, tout particulièrement en ce qui concerne la rénovation énergétique du parc immobilier existant. Comparé aux bons élèves, toujours les mêmes, nous sommes les cancres, sur ce plan là aussi. Mais on peut aussi voir le verre à moitié plein. La RT2012 est entrée en vigueur au moment de la crise de l'euro, et on a essayé de maintenir le cap vaille que vaille. Les accords de Paris nous ont donné une petite bouffée d'oxygène en déplaçant de fait les grands enjeux et le curseur est maintenant 2026 plutôt que 2020. La filière construction bois est sortie meurtrie de la crise, mais elle est encore debout, Afcobois a rejoint l'UICB, toute l'envergure de la filière bois se met à penser construction dans le nouveau cadre du CSF, le Douglas monte en puissance, le DTU 31.2 va enfin quitter sa version provisoire, le carbone devient un élément central de la réglementation française, presque en avance pour le coup sur celles d'autres pays européens. Il y a de la dynamique dans l'air. La filière bois a presque manqué le coche pour E+C-, mais tout de même, il y a eu trois opérations emblématiques couvrant le tertiaire urbain, le social collectif et la maison individuelle, ce qui est un bon début. Le moment est venu d'aller plus loin.

Alain Maugard le martelait déjà autour du Grenelle et lors de la préparation de la RT2012, quand il était aux commandes du CSTB et pas encore le maître d'oeuvre des précieux documents RAGE : le passage vers le BEPOS doit se faire à partir d'une enveloppe très performante ! Autrement dit, on ne saute pas l'étape du BEPAS, du bâtiment passif. Sur le papier, le mal est fait, la dernière mandature n'a pas osé affronter le BTP en imposant le BEPAS pour atteindre ensuite le BEPOS. On est donc en droit de se demander une fois de plus si en France, des évolutions de marché peuvent se faire sans oukaze, dans la logique des choses. Par exemple, en prenant acte du retard réglementaire actuel et en se demandant si, de fait, il n'est pas logique, notamment sur le plan économique, que le BEPOS soit aussi BEPAS, d'un seul et même mouvement. C'est là que l'on atteint un nouveau type de problème : la filière construction bois est familiarisée avec les solutions structurelles, et même avec l'étanchéité à l'air, voire l'acoustique. Mais l'intégration des équipements techniques, c'est plus difficile. Il va falloir penser autrement. Une option apparemment facile serait de penser BEPAS et d'ajouter ensuite la production d'énergie comme une cerise sur le gâteau. Malheureusement, le BEPAS ne se résume pas à un choix d'enveloppe. Et quand on se réfère pieusement aux prescriptions du Passivhaus allemand, on se coupe vite du marché principal. 

En clair, la filière française de la construction bois est devant un gros chantier. Non seulement elle doit prendre davantage en compte les ressources locales et l'isolation renouvelable, mais elle doit apprendre à penser BEPAS. Mieux vaut trop tard que jamais. Fini le simple flux et le double vitrage, les portes d'entrée passoires, fini le mur ouvert. Christian Fanguin ne serait pas d'accord. Il va sans doute publier un autre ouvrage, le BEPOS/BEPAS artisanal, sur la base des maisons témoins justement BEPAS et BEPOS d'Egletons. Et ce sera très bien, on parviendra en optimisant à créer un marché, à faire basculer le marché. 

Cela ne marchera que si il existe une volonté commune au CSF, et pour commencer à l'UICB qui trouve ici tout son sens. Car pas de BEPAS bois sans banalisation du madrier abouté, labellisé KVH ou non, voire des BMR. Passer de 45 mm à 50 mm, est-ce la mer à boire ? Les Allemands le disent, il est plus facile de fixer le contreventement, de faire de la qualité. Pas sûr que le double contreventement Fermacell s'imposera en France, pays grand producteur d'OSB, des panneaux qui mélangent de façon très opportune le douglas, le charme et le hêtre. Mais si on a ces panneaux, pourquoi diable continuer à contreventer par l'extérieur ? Christian Fanguin allèguera le chaînage vertical et il existe sans doute d'autres bonnes raisons techniques, mais aussi un paquet de raisons qui nous poussent à franchir enfin le pas, pour utiliser ces panneaux de contreventement intérieur comme freins vapeur. Le DTU 31.2 qui passe à l'enquête devrait en principe ouvrir la porte à ce type de solution, dans le droit fil du document RAGE. Aux spécialistes de plancher, sans se laisser freiner par les lobbys industriels. La nouvelle gouvernance de la filière va pouvoir donner toute la mesure de sa sagacité, et on va passer des discours prématurés d'autosatisfaction à une vraie première victoire. L'enjeu, c'est que la construction bois de maisons individuelles devienne la référence du marché, avec le meilleur rapport qualité prix pour du BEPAS/BEPOS. Et ce pas seulement de fait, mais avec une communication qui impose cette idée chez les gens. A ce titre, il faut s'intéresser de près à la démarche de l'entreprise Ecolocost, à la fois futée sur le plan technique et très astucieuse sur le plan commercial. Et c'est facile car le site est très bien fait, surtout pour une entreprise si peu implantée jusqu'à maintenant. C'est simple, Maxime Brard est celui qui a fait ce qu'il a vu en Pologne, parce qu'il partait de rien, il n'était pas pris au piège comme le club Afcobois de son équipement technique et de sa clientèle, de son réseau, de ses principes, de ses habitudes. Et toutes les difficultés auxquelles Maxime Brard a fait face depuis 2013 avec son approche, tout comme son passé dans l'immobilier, agissent aujourd'hui comme une accréditation. 

  

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