La filière bois allemande souffre

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IHB MK
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Sägewerkskongress 2014A la mi-mars, la filière allemande de transformation du bois s'est retrouvée à Mannheim, à l'occasion de la 9e édition du congrès international de la scierie et de l'industrie du bois. Un intitulé qui ne doit pas tromper sur le centrage allemand de la manifestation. Centrage qui, à son tour, ne doit pas tromper sur les implications de ce qui s'y est dit pour la France. Mannheim est d'ailleurs à 80 km de la frontière française. Une paille pour les semi-remorques, mais un océan pour les professionnels dans cette Europe de Babel où personne ne se comprend et croit que tout est si différent ailleurs. A vous de juger.

Les conférenciers ont dressé un tableau pessimiste de la scierie allemande d'aujourd'hui : prix élevés de la matière première, faible rentabilité, manque d'investissements et d'innovations induites, un vrai cercle vicieux dont personne ne sait au juste comment on pourra en ressortir. Seule issue envisageable : l'augmentation des parts de marché de la construction bois. Resterait à définir clairement les moyens pour y parvenir.

D'emblée, Leonhard Nossol, président du groupe de travail sur les approvisionnements (Arbeitsgemeinschaft Rohholzverbraucher) a mis les points sur les i : ces dernières années, toutes les branches de la filière bois, scierie, panneaux, papier, ont dégagé une rentabilité négative de -3%, ce qui représente 150 millions d'euros de pertes. Le parc de machines vieillit, les amortissements ne sont réinvestis qu'à hauteur de 40%. Le problème clef est l'approvisionnement.

Max Reger, le chef de l'office régional des forêts du Bade-Wurtemberg, abonde dans ce sens. Depuis 1990, la part de l'épicéa dans le Land est passée de 40 à 30%, à cause des tempêtes de 89/90, puis 99, des attaques de scolytes. On a replanté avec des feuillus en grande partie. Et cela n'est qu'un début. Compte tenu du dérèglement climatique, on estime qu'en 2050, le Land ne comptera plus que de rares stations adaptées à l'épicéa. S'ajoute que dès 2020, la coalition Verts/SPD aux commandes à Stuttgart veut sanctuariser 10% des surfaces forestières.

Le consultant Michael Funk rapporte que plus de 60% des connexes vont aujourd'hui vers le bois énergie. Désormais, les ménages consomment autant de bois que l'industrie du bois. depuis 2010, le bois bûche a gagné 7% en volume, les pellets 38% et les plaquettes 25%. Tout cela au détriment de l'industrie du bois de l'Europe centrale, estime le consultant. La petite forêt privée allemande, qui couvre 25% des surfaces forestières mobilise le bois pour l'énergie, pas pour l'industrie. L'industrie ne peut pas compter sur cette ressource qui n'est pas planifiable.

S'ajoute à cela que les Allemands surexploitent leurs forêts ! Les statistiques officielles ne cadrent pas avec la réalité des relevés, notamment ceux de 2008. Tous types de propriétés et d'essences confondues, la récolte dépasse les statistiques de 31%. 24% pour l'épicéa et 70% pour le hêtre, ce qui n'a guère changé depuis 2008. Les statistiques ne rendent pas bien compte de la réalité de l'exploitation du bois en forêt, notamment privée, de sorte qu'en Allemagne, on en arrive très probablement à un dépassement de l'accroissement naturel de l'ordre de 22%, on tape dans le capital, ce qui n'est tout de même pas exactement le cas en France, du moins pas dans toutes les régions.

Holger Weimar du Thünen-Institut relève que la part de l'utilisation énergétique du bois est passée de 23% à 40% entre 2002 et 2012. Et entre 2006 et 2011, la rentabilité nette des scieries a chuté de 17,7%. Depuis 2008, la scierie allemande réduit ses capacités. Depuis 2009, l'Allemagne est devenue importateur net de grumes de résineux.

Andreas Kleinschmit von LengefeldHeureusement qu'il y a des "Français" pour remonter le moral des Allemands ! Andreas Kleinschmit, chef de la R&D à FCBA, rappelle que l'industrie allemande du sciage reste le numéro 1 en Europe, même si cette place n'est pas acquise pour toujours. Dans d'autres pays, effectivement, il arrive que la part des investissements soit plus élevée. Mais enfin, avec un CA de 34 milliards d'euros et un CA induit de 90 milliards, les rapports de force ne vont pas se déplacer du jour au lendemain.

 

Sur les marchés internationaux, les Allemands se batttent la coulpe de ne plus jouer qu'un rôle secondaire. Tous les espoirs se portent sur la construction bois, avec un marketing coordonné et des systèmes constructifs, en s'inspirant de l'Autriche qui dépense des millions en communication grâce à sa contribution volontaire obligatoire, et où la part de la construction bois atteint 40%. Si l'on laisse de côté la part de marché, on croirait presque que la France est sur la bonne voie.

 

 

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Michel P
Michel P

On a entendu en France le discours selon lequel la forêt doit s'adapter à l'industrie, l'Allemagne inaugure pour nous l'impasse où mêne un tel raisonnement